Le culte des saints musulmans
Des débuts de l’islam à nos jours
Souvent considéré comme marginal, le culte des saints musulmans est aujourd'hui un sujet brûlant qui écrit l'histoire religieuse de l'islam sous un nouvel angle. Né dans le riche terreau de l'Antiquité tardive, lié au culte des morts et au processus d'islamisation, ce culte puise dans la mémoire des prophètes antéislamiques, du djihad et de la vénération du Prophète et de ses descendants. Tout un ensemble de croyances et de pratiques adressées aux saints et à des lieux sacrés apparaît en pleine lumière au IXe siècle. Visites pieuses et pèlerinages aux sanctuaires réclament une intercession ici-bas et dans l'au-delà, aux hommes de Dieu et à de rares femmes. Du Maroc à l'Indonésie, le culte des saints s'ancre aussi dans celui des ancêtres et dans la fréquentation de lieux sacrés en affirmant une identité désormais musulmane qui participe à la compétition entre chiisme et sunnisme. Le phénomène encouragé par les dynasties successives devient massif au XIIe-XIIIe siècle, avec l'essor des confréries soufies, le culte du Prophète, et de nouvelles vagues d'islamisation. Il domine le paysage dévotionnel musulman jusqu'aux attaques du wahhabisme au XVIIIe siècle, puis jusqu'à celles du réformisme et enfin du salafisme actuel. Au XXe siècle, les États indépendants privent confréries et descendants saints de leur pouvoir pour déplacer le culte vers celui des héros et des martyrs. D'impressionnants renouveaux s'affirment à la fin du XXe siècle, avant de nouvelles ruptures au XXIe siècle, imposées par l'urbanisation, les migrations, Internet et le règne de l'image, la mondialisation et la sécularisation.