Axe 4 : Images, imaginaires et écriture de l'histoire

Responsables : Dominique Kalifa, Sébastien Le Pajolec, Myriam Tsikounas

Membres participants : Anne-Elisabeth Andréassian, Laurent Bihl, Guillaume Mazeau, Isabelle-Rabault-Mazières

Cet axe s'inscrit dans la tradition historiographique de l'histoire des représentations inaugurée dans cette équipe par les travaux pionniers de Maurice Agulhon puis d'Alain Corbin, poursuivis par Dominique Kalifa et élargie après 2007 par la composante Isor. - Représentations et imaginaires sociaux Cette problématique " historique " du centre, qui continue d'attirer un nombre substantiel d'étudiants de masters et de doctorats, ainsi que de nombreux chercheurs étrangers, est appelée à se poursuivre durant le prochain contrat en recentrant ses activités sur quelques objets neufs. L'histoire des représentations périodiques, qui avait marqué une pause après la publication en 2011 de l'ouvrage collectif de référence La Civilisation du Journal. Histoire culturelle et littéraire de la presse française au XIXe siècle (D. Kalifa et al, Paris, Nouveau Monde, 1700 p.), prendra un nouvel essor, en lien avec l'ANR Numapresse déposée et obtenue (50 760€) par Marie-Ève Thérenty (Montpellier 3) : le Centre s'y chargera de l'étude de la forme " hebdomadaire ", de ses évolutions dans la première moitié du XXe siècle, des rythmes et scansions nouvelles qu'elle engendre. Cette recherche est d'autant plus décisive qu'elle recoupe la problématique majeure des découpes, usages et imaginaires du temps développée par Dominique Kalifa dans son programme de l'Institut Universitaire de France. Penser la forme et les usages hebdomadaires du temps rejoint ici l'analyse historique des autres découpes et dénominations du temps (chrononymes), et de leur influence sur l'écriture de l'histoire, qui constitue un autre des questionnements forts de cet axe : le cycle des journées d'études prévu aboutira à la publication de l'ouvrage collectif Dénommer l'Histoire : essais sur les noms du temps qui paraîtra vers 2021 dans la Bibliothèque des histoires (Gallimard). À cet ensemble appartient aussi le projet de valorisation d'une ample collection (8000) de cartes postales illustrées de la Grande Guerre, numérisées par le Centre, qui a obtenu un contrat de " Politique scientifique " (" Anthropologie culturelle de la carte postale en guerre ") en partenariat avec l'IDHES : outre la valorisation de cette collection exceptionnelle dans le cadre d'une base de données et d'une exposition virtuelle, ce projet (financé à hauteur de 20 000€ par l'Université Paris 1 et soutenu par la Bibliothèque inter-universitaire de la Sorbonne) vise à proposer une réflexion historique de référence sur ce média décisif mais délaissé par l'historiographie, prolongeant ainsi le travail réalisé dans les précédents contrats sur d'autres médias oubliés comme les assiettes illustrées ou les scopitones. - Imaginaires sociaux et écritures de l'histoire, poursuit la réflexion menée par la composante Isor, tout en modifiant son intitulé pour rappeler la place essentielle des imaginaires sociaux dans les travaux de l'équipe et accorder une place à l'étude du son, souvent délaissé. Et pourtant, comme l'indique le terme " audiovisuel ", son et image sont insécables et l'archéologie du paysage sonore constitue un enjeu essentiel en termes d'histoire des sensibilités. Le terme " image ", lui, continue d'être entendu dans son acception large de " figure " et de " représentation ", allant de l'image mentale à l'image matérielle, fixe ou mobile, de l'image synthétique à l'image analogique, c'est-à-dire de la description littéraire à l'émission télévisuelle, via la caricature, la bande dessinée, la peinture, la photographie et le film. Comme dans la recherche précédente menée sur le travail de Patrice Chéreau, le cadre d'analyse sera comparatiste. Trois terrains d'enquête connexes seront privilégiés :

1. les archives : La réflexion sur l'écriture de l'histoire par l'image et le son ne saurait être conduite sans une interrogation sur la spécificité de ces archives audio-visuelles. Les modalités d'archivage, de conservation, de classification, de valorisation, et de consultation des archives influencent l'appréhension de l'histoire racontée en images. Un atelier bimestriel, animé par Géraldine Poels (Ina) et Myriam Tsikounas, sera organisé avec des responsables de fonds iconiques du CNC, de l'ECpad, du SHD, de l'Inathèque, des Archives Nationales et du Forum des Images pour s'interroger sur les logiques ayant présidé à la construction des principaux dépôts d'archives iconiques et sonores, sur les limites des outils documentaires disponibles, les problèmes posés par les techniques de reproduction sur des supports non pérennes, la réutilisation des images d'archive par des documentaristes et des cinéastes, qui se fondent sur des conseillers historiques dont la fonction sera discutée.

2. les écritures visuelles de l'histoire : Dans un contexte marqué par l'intérêt croissant pour toutes les formes non académiques de l'écriture historique et les débats interrogeant la porosité entre fiction et réalité, la réflexion sur les contours et les risques d'une histoire visuelle semble essentielle. L'enquête s'appliquera à analyser la façon dont les réalisateurs de cinéma et de télévision, mais aussi les metteurs en scène de théâtre, écrivent l'histoire en fonction des contraintes spécifiques à chacun de ces médias. Les Carnets de René Allio, dont Annette Guillaumin et Myriam Tsikounas assurent l'édition, ou les Notes de travail de Patrice Chéreau, dont Julien Centrès a pris en charge l'édition chez Actes Sud jusqu'en 2020, en offrent de bons exemples. La culture historique de ces producteurs, l'usage qu'ils font des historiens, le rôle de passeur d'histoire qu'ils se donnent seront analysés. On s'interrogera également sur le rapport que la fiction historique entretient avec la "vérité" historique, sur sa construction du temps, des personnages et de la société mis en images, ainsi que sur la façon dont les historiens ont réagi à l'apport de ces sources audio-visuelles et iconographiques. Le dépouillement des principales revues historiques permettra d'évaluer la réception académique de ces productions.

3. la transmission de l'histoire sur les ondes et au petit écran : La vulgarisation historique occupe une place croissante à la radio et à la télévision françaises. Dès la fin des années 1920, les réalisateurs de fictions radiophoniques s'inspirent d'événements historiques qu'ils scénarisent ou reconstituent. À partir du milieu des années 1940, des causeries radiophoniques témoignent d'une volonté d'offrir aux auditeurs l'accès aux savoirs des spécialistes en sciences humaines. En 1951 apparaît sur les ondes le premier magazine consacré à l'histoire, La Tribune de l'histoire, suivi, en 1956, par la fiction télévisée La Caméra explore le temps. Depuis, presque toutes les formes radiophoniques et télévisuelles ont été utilisées pour parler d'histoire, du feuilleton à la dramatique, du montage d'archives à la présentation d'ouvrages. Certains de ces programmes, comme Histoire parallèle (630 émissions sur la Sept puis Arte) ou les Lundis de l'Histoire (48 saisons sur France Culture), étaient animées par des historiens reconnus et proposaient une analyse de la production historique et des débats historiographiques. L'enquête portera sur la participation des historiens à ces productions, l'évolution de leurs profils et de la forme des émissions qui les ont accueillis, les périodes et les types d'histoire privilégiés. L'objectif sera de mettre au jour toutes les médiations qui construisent cet objet complexe et d'en dessiner l'archéologie génétique. Outre l'étude attentive des archives audio-visuelles, ce travail se fondera aussi sur les sources écrites permettant de reconstituer le contenu des productions non conservées, d'apprécier la diffusion et la réception de ces émissions. Les étudiants du master Histoire et audiovisuel seront largement impliqués dans ce projet.