Le monde de Mathilde Mathilde
Femme savante et criminelle
En août 1867, aux assises de la Seine-et-Marne, Mathilde Frigard, l’épouse d’un négociant failli, est accusée d’avoir assassiné, trois mois plus tôt, en forêt de Fontainebleau, son amante, Sidonie Mertens, dont elle était à la fois la magnétiseuse et la proxénète. À l’issue du verdict, l’accusée, qui n’avait cessé pendant son procès de se dire innocente, réclame la visite du procureur dans sa cellule. Là, elle lui révèle être enceinte et lui avoue sa culpabilité. Cette ténébreuse affaire, à laquelle Verlaine consacra immédiatement une complainte, n’est pas devenue, contrairement aux prédictions des chroniqueurs judiciaires, une "cause célèbre". Pour comprendre cet étrange silence, il faut rendre à cette criminelle atypique son histoire et retoucher le portrait caricatural qu’ont dessiné d’elle les hommes qui se sont succédés sur son dossier, du commissaire de police aux journalistes, des magistrats aux médecins légistes. L’enquête historique révèle une femme déterminée à ne pas céder sur sa volonté d’apprendre et d’entreprendre, au risque de devenir une figure tragique d’émancipation dans un monde dominé par l’autre sexe.