L'honneur perdu du Général Cluseret
De l'Internationale au nationalisme
Gustave Cluseret est un aventurier dont les rebondissements feraient presque pâlir d’envie les héros d’Alexandre Dumas. Benjamin Disraeli, homme politique et écrivain britannique, s’est même directement inspiré de Cluseret pour camper le héros de son roman Lothair, le « captain Bruges ». Tour à tour, officier sous la Monarchie de Juillet, la Deuxième République et l’Empire, engagé volontaire en Italie dans l’expédition des Mille aux côtés de Garibaldi, puis en Amérique pendant la
Guerre de Sécession sous l’uniforme Yankee, complice du mouvement Fenian irlandais, journaliste, conspirateur, membre de la Commune, député du Var et artiste-peintre versé dans l’orientalisme, Cluseret a un parcours riche et original, plein d'enseignements.
Cluseret intrigue souvent, déconcerte parfois, agace beaucoup. Pourquoi ? Parce qu’il est inclassable. Il est socialiste, mais pas collectiviste ; il est anti-boulangiste, mais s’allie avec d’anciens boulangistes ; il est internationaliste, puis devient nationaliste, xénophobe et antisémite… S’amuse-t-il à brouiller les cartes ? Non. Cluseret est un personnage troublé, à
l’image de cette seconde moitié du XIXe siècle.
Cluseret est riche d’avoir vécu plusieurs vies en une, d’avoir sillonné de nombreux pays à une époque où les voyages n’étaient pas aussi aisés qu’aujourd’hui. Contemporain de Marx et Bakounine, de Ferry et Naquet, de Gambetta et Clemenceau, de Guesde et Jaurès, de Barrès et Drumont, dont il a été à différentes périodes de sa vie l’ami ou l’adversaire, Cluseret a un regard sur le monde qui n’est pas celui du commun des mortels. Mais au-delà, l’histoire de Cluseret nous interpelle et fait sens car elle est un puissant écho à notre propre réalité, celle
que nous vivons et construisons jour après jour.