Amphithéâtre rempli d'étudiants en présence d'un conférencier

Genre et classes populaires, 2014-2015

"Routine-s"

A la croisée de l’histoire et de la sociologie, le séminaire "Genre et Classes Populaires" se propose d’étudier les rapports sociaux de sexe/de genre à l’intérieur des classes populaires. Après deux années consacrées à la question des lieux, le séminaire s’approprie cette année la notion de "routine-s" pour continuer à saisir le monde social « par en bas » au plus près des pratiques et des discours des acteur-e-s. La routine renvoie à la répétition d’actions ordinaires au quotidien, à des habitudes ancrées dans les corps et les esprits des individus. L’histoire se désintéresse souvent de cette temporalité mineure en faveur de l’évènement, de l’exceptionnel, reproduisant alors la vision négative de la routine comme monotonie, « train-train » quotidien, voire ennui. La sociologie est plus attentive aux dimensions ordinaires, elle qui cherche les régularités du monde social. Elle fait pourtant peu souvent l’effort de retracer précisément les activités qui appuient quotidiennement les tendances générales observées au niveau d’un groupe social. La routine renvoie à des actions invisibles car banales et attendues. Cette temporalité est plutôt celle du féminin que du masculin ; le temps du travail domestique en étant l’exemple le plus flagrant. Toutes les activités peuvent néanmoins être envisagées dans leur dimension routinière et quotidienne et ainsi montrer sur quel ensemble d’actions quotidiennes leur perpétuation repose. En étudiant le quotidien et l’ordinaire des activités sociales les plus diverses (les tâches ménagères, le sport de haut niveau, la prostitution, les concierges, etc.), le séminaire cherchera ainsi à retrouver un sens plus positif de la notion de routine : celle de savoir faire intériorisé, parfois jusqu’à l’automatisme, acquis par la pratique et par l’expérience. La notion renvoie alors aux apprentissages souvent invisibles, aux processus d’incorporation du social, non pas seulement comme norme mais aussi comme compétence, comme savoir-agir et savoir-être, et donc aussi comme possibilité d’action. N’est-ce pas précisément dans le quotidien que se cachent les marges de manœuvre et les petits détournements des normes sociales que le séminaire cherche à identifier depuis plusieurs années ? Et, de l’autre côté, comment est-ce que ces petits détournements ouvrent la possibilité pour la routine, force d’inertie, d’évoluer ? A la manière de Judith Butler, nous pouvons penser les routines comme des performances qui confirment les identités par la réitération routinière mais offrent aussi un espace d’agency. Les séances se déroulent le jeudi à partir de 17h, à l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne et sont composées d’un.e discutant.e et d’un.e ou deux intervenant.e.s autour d’une sous-thématique commune. Attention : les séances avec deux intervenant.e.s durent 3 heures au lieu de 2 habituellement. Le séminaire a lieu en salle Picard 3, entrée au 17 rue de la Sorbonne, 75005, escalier C, 3ème étage, la salle Picard 3 est après les portes battantes. L’entrée des bâtiments est libre, indiquez aux gardiens à la porte que vous venez pour assister à un séminaire.

 

PROGRAMME

Jeudi 20 novembre : Les soldats (17h-19h) Mathieu Marly (historien, Institut de recherches historiques du Septentrion, Université Lille 3/CNRS) " “À vos balais !” Les soldats face aux tâches ménagères. Genre, classe, discipline et culture matérielle dans l'armée française de la fin du XIXe siècle".

Jeudi 22 janvier : Les prostituées (17h-19h) Catherine Négroni (sociologue, Centre lillois d’études et de recherches sociologiques et économiques, Université Lille 1/CNRS) "Vivre au quotidien le travail prostitutionnel: parcours de prostituées, transsexuelles, migrantes".

Jeudi 12 février : Les sportifs (17h-20h) Manuel Schotté (sociologue, Centre d'études et de recherches administratives, politiques et sociales, Université Lille 2/CNRS) "La course à la dignité. Ascèse athlétique et construction de la masculinité" et Nicolas Damont (sociologue, Institut de recherche interdisciplinaire sur les enjeux sociaux, EHESS/CNRS) "D’une masculinité populaire à une masculinité “footballisé” ? Immersion dans un centre pour apprentis footballeurs".

Jeudi 26 mars : Les sites de rencontre en ligne (17h-19h) Marie Bergström (sociologue, Observatoire sociologique du changement, Sciences Po / Université d'Oxford, Nuffield College) "Les codes sociaux et sexués de la séduction. L'exemple des sites de rencontres en ligne".

Jeudi 2 avril : Les Miss (17h-19h) Camille Couvry (sociologue, Dynamiques sociales et Langagières, Université de Rouen) "L'expérience des élections de Miss et l'apprentissage de techniques du corps : acquisition durable de pratiques considérées comme “féminines” par les participantes ?"

Jeudi 28 mai : Les concierges (17h-20h) Anaïs Albert (historienne, Centre d’Histoire du XIXe siècle, Université Paris 1) et Nimisha Barton (historienne, Princeton University) "La routine comme métier : les concierges parisiens et la gestion du quotidien des classes populaires, de la Belle Époque à l’entre-deux-guerres".

Jeudi 11 juin 2015 : Les personnes âgées (17h-19h) Valentine Trépied (sociologue, Centre Maurice Halbwachs, EHESS/ENS/CNRS) "Routines et dépendance, l’étiquetage des personnes âgées en EHPAD".

Jeudi 25 juin : Les religieuses (17h-20h) Anne Jusseaume (historienne, Centre d’Histoire de Sciences Po) "Temps religieux, temps du soin : le quotidien des sœurs soignantes au XIXe siècle" et Nicole Pellegrin (historienne, Institut d’Histoire moderne et contemporaine, ENS/CNRS/Université Paris 1) "Habiller la norme sous l'Ancien régime. Les vêtements de religion féminins dans et hors clôture : créations, (dés)habillages et habitus".