Hommage

In memoriam Rosemonde Sanson

(1937-2024)

In memoriam

Rosemonde Sanson (1937-2024)

 

Le Centre d’histoire du XIXe siècle a la très grande tristesse de faire part du décès de Rosemonde Sanson, survenu le 5 mai 2024. Rosemonde Louise Jeanne Sanson était née le 13 juin 1937 à Mantes-la-Jolie, dans une famille originaire de Normandie. Ses grands-parents paternels, Alphonse Emile Sanson et Caroline Anastasie Lefèvre, étaient pâtissiers à Rouen. Son père Louis Ulysse Sanson, né le 16 août 1898 à Rouen, est, au moment de sa naissance, fondé de pouvoir à la recette des finances de Mantes, où sa mère, Marthe Anne Louise Lemonnier, qu’il avait épousée à Rouen le 25 juillet 1925, était également employée. Rosemonde Sanson avait fait ses études d’histoire à la Sorbonne, où elle eut notamment comme condisciples Jean-Pierre Chaline et sa future femme, Nadine-Josette. Après l’agrégation d’histoire obtenue en 1963, elle enseigna quelques années en lycée avant d’être élue assistante d’enseignement à la Sorbonne en 1969. Elle travailla alors aux côtés de Louis Girard, dont elle assura les travaux dirigés, tout en terminant une thèse de troisième cycle préparée sous sa direction depuis 1966, intitulée La célébration de la fête nationale sous la IIIe République (1880-1914), thèse qu’elle soutint en 1971, devant un jury qui comprenait aussi Philippe Vigier et Jean-Marie Mayeur. Deux ans après, elle publiait dans la prestigieuse Revue d’histoire moderne et contemporaine son premier article "La fête de Jeanne d'Arc en 1894. Controverse et célébration".

 Après le départ de Louis Girard pour Paris IV et l’élection à sa succession de Maurice Agulhon en 1972, Rosemonde Sanson travailla étroitement avec ce dernier dans le cadre de ses enseignements, mais leurs sujets de recherches les rapprochaient également. Maurice Agulhon conduisait alors son enquête sur les statues de Marianne, figure républicaine que Rosemonde Sanson avait évoquée dans sa propre thèse. Comme elle l’a raconté dans un hommage à Maurice Agulhon, c’est ce dernier qui la mit en contact avec Jacques Le Goff, directeur de collection chez Flammarion, et lui conseilla de prolonger son analyse jusqu’au temps présent, ce qui donna naissance à son premier livre, Les 14 juillet, fête et conscience nationale (1789-1975), publié en 1976. Tout en continuant à enseigner à Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Rosemonde Sanson prépara son doctorat d’Etat, sur l’Alliance démocratique, à Paris IV-Sorbonne, sous la direction de Louis Girard d’abord, puis de Jean-Marie Mayeur à partir de 1982.

La loi Savary de 1984 sur l’enseignement supérieur marqua un tournant, en unifiant le collège B en un corps de maîtres de conférences auquel Rosemonde Sanson fut désormais rattachée. C’est à cette date qu’elle intégra le Centre d’histoire du XIXe siècle, codirigé par Maurice Agulhon et Jean-Marie Mayeur, ce qui lui valut d’être associée à l’achèvement de la grande enquête sur les maires de France pour laquelle elle écrivit une contribution, "Le pouvoir local en banlieue : le canton de Villejuif". Mais c’est surtout à l’enquête sur les parlementaires de la Troisième République, lancée en 1984, que son nom restera attaché, tant elle œuvra à sa conception et à sa réalisation, participant à toutes les réunions annuelles des correspondants régionaux de l’enquête, se rendant aux archives pour élaborer les fiches des députés et sénateurs de la région parisienne notamment et donnant plusieurs études aux volumes collectifs découlant de l’enquête, par exemple un gros article sur "Groupes et tendances face aux scrutins", ainsi que plusieurs notices de sénateurs dans Les Immortels du Sénat, 1875-1918 (1995), des contributions aux volumes sur les parlementaires de Haute-Normandie et de la Seine, ou encore "Les parlementaires vus par eux-mêmes" dans Les Parlementaires de la Troisième République (2003). Au sein du Centre, elle forma alors avec Anne-Marie Sohn un duo de choc très investi dans les projets collectifs qui s’y développaient, car le Centre mena d’autres actions, comme ce colloque sur l’usage politique des fêtes en 1990, auquel elle contribua en évoquant "le 15 août : fête nationale du Second Empire" (Publications de la Sorbonne, 1994). Rosemonde Sanson publia aussi de très nombreux articles sur l’histoire politique de la Troisième République, à partir des recherches qu’elle conduisit pour sa thèse.

Après le départ de Maurice Agulhon au Collège de France en 1986, et l’élection d’Alain Corbin, Rosemonde Sanson travailla désormais avec ce dernier, de même qu’elle collabora ensuite avec Christophe Charle, tout en développant ses propres enseignements. Rosemonde Sanson aimait enseigner. Portée par une voix forte, au ton grave, elle aimait transmettre sa passion de l’histoire, et plus particulièrement de l’histoire politique au renouveau de laquelle elle contribua très largement à partir des années 1970. Elle était du reste membre du conseil d’administration du Comité d’histoire politique et parlementaire, présidé par Jean Garrigues. Femme de conviction, mais particulièrement tolérante et ouverte au dialogue, elle aura formé pendant plus de trois décennies des générations d’étudiants en histoire qui ne peuvent avoir oublié ses enseignements. Elle a tenu aussi à achever son doctorat d’Etat, encouragée inlassablement par Jean-Marie Mayeur. La soutenance eut lieu le 2 décembre 2000, en présence de Maurice Agulhon, venu l’embrasser à l’issue de la soutenance, comme elle le raconta dans le volume d’hommages qui lui a été consacré en 2017 et dans lequel elle livra un témoignage émouvant qui est aussi une évocation de sa propre histoire. La thèse fut publiée en 2003 aux Presses Universitaires de Rennes, dans la collection "Carnot", sous le titre, L'Alliance républicaine démocratique. Une formation du centre (1901-1920). Avant de prendre sa retraite en 2003, elle s’est investi aussi dans le lancement de la grande enquête du Centre sur les acteurs de 1848 dont elle fut l’une des initiatrices, rédigeant onze notices dans le volume à paraître en juin 2024.

Ces dernières années, Rosemonde Sanson a lutté d’arrache-pied contre la maladie, trouvant comme un regain de vie dans les recherches qu’elle conduisit sur l’histoire du Centre du XIXe siècle, consultant les archives, interrogeant les témoins, lisant attentivement les rapports de l’HCERES, et rédigeant un long et passionnant article qui doit paraître dans l’ouvrage jubilaire consacré à l’École d’histoire de l’université Paris 1. Pied de nez à l’histoire, elle qui était particulièrement attachée à la République et à son histoire, s’en est allée un 5 mai, jour anniversaire de la mort de Napoléon.

Jacques-Olivier Boudon