1. Transferts, circulations transnationales et identités sociales

Porteurs : Fabrice Bensimon et Catherine Mayeur-Jaouen

 

Cet axe est destiné à regrouper ceux des chercheurs du Centre d’histoire du XIXe siècle qui travaillent sur d’autres pays européens que la France (Grande-Bretagne, Italie) et d’autres aires culturelles (Moyen-Orient en particulier), et qui souhaitent aborder certains thèmes sous l’angle transnational, propice aux comparaisons et à l’étude des transferts et des connexions. Comme l’indique le titre de l’axe, il s’agit de mener une histoire culturelle en même temps qu’une histoire sociale de ces aspects transnationaux. L’ouverture en direction du Moyen Orient et plus généralement du monde arabe est consécutive à l’arrivée au sein du Centre de Catherine Mayeur-Jaouen et d’Anne-Laure Dupont, ainsi que de leurs doctorants. Leurs travaux portent en particulier sur les sociétés musulmanes comme en atteste le très important colloque dirigé par C. Mayeur-Jaouen et publié sous le titre Adab and Modernity : a « Civilising Process » ?, Brill, Leyde, 2019, (728 p.), mais aussi sur les minorités religieuses dans l’espace musulman (voir Catherine Mayeur-Jaouen, Voyage en Haute-Égypte. Prêtres, coptes et catholiques, Paris, CNRS Éditions, 2019, 407 p.)

Cet axe comprend trois sous-axes.

 

1.1. Lire, écrire et connaître : la circulation des savoirs et les élaborations linguistiques

Au tournant du XXe siècle, une proportion importante d’hommes et de femmes des sociétés européennes savent lire et écrire. La mécanisation de l’imprimerie et la baisse des coûts de production, le chemin de fer, le télégraphe, la navigation à vapeur contribuent à ce que les journaux et les livres deviennent accessibles à des centaines de millions de personnes. Le XIXe siècle voit un système scientifique moderne succéder à celui de la communauté imaginaire des érudits de la République des lettres. À la faveur des importants mouvements migratoires et de la colonisation, de vastes aires linguistiques se développent, favorisant le développement de « langues mondiales » dans la diffusion des savoirs.

Ce sous-axe est centré sur la circulation de différents savoirs, tels que la géographie scolaire et la pédagogie, ou de pratiques, telles que la lecture collective.

Dans le cadre de ce sous-axe, et avec le soutien de l’Institut universitaire de France dont est membre Fabrice Bensimon, sont prévus une journée d’étude sur la lecture dans les classes populaires, et un colloque sur la culture ouvrière au XIXe siècle. Anne-Laure Dupont projette pour sa part en 2025 un colloque sur les mouvements de
« renaissance » linguistique et littéraire au XIXe siècle, en Europe comme dans le monde ottoman, une des entrées étant l’élaboration même et les usages du concept de « renaissance » dans différentes langues.

 

1.2. Genre, femmes et familles

Au cours du XIXe siècle, l’accès des filles à l’instruction, voire à l’enseignement secondaire, plus rarement à une profession rémunérée, et la « sortie » des femmes dans l’espace public urbain deviennent un enjeu dans toutes les sociétés. Des femmes apparaissent dans les congrès internationaux de géographie, dès 1875, la dimension transnationale leur donnant une certaine liberté de manœuvre. Un autre exemple de femmes qui se saisissent des dimensions transnationales est celui des épouses de diplomates, français et étrangers. Même jeu de contraintes et de marges de manœuvres pour les femmes de l’Empire ottoman, de confessions et de langues variées. Sous les clichés orientalistes, se dessinent d’impressionnantes évolutions dans les rapports de genre dont on commence à débattre à la fin du XIXe siècle dans les revues réformistes arabes ou turques, tenues par des hommes avant que des femmes ne prennent à leur tour la plume.

Dans le cadre de ce sous-axe, un numéro spécial des Annales de démographie historique sur le thème « Genres et politiques de la famille au Moyen-Orient », prévu en 2024, est en préparation sous la direction de Laure Pesquet et Catherine Mayeur-Jaouen. Articulant histoire du genre et dimension transnationale, Isabelle Dasque projette un livre sur La diplomatie au féminin. Une histoire des épouses de diplomates aux XIXe-XXIe siècle, prévu chez Nouveau Monde éditions, en 2024.

 

1.3. Voyages, exils et migrations

Ce sous-axe entend penser ensemble les différentes formes de mobilités humaines dont l’intensification caractérise le XIXe siècle. Du voyage d’agrément à la migration de la misère, du pèlerinage à l’exil politique, du déplacement pour étude à la migration familiale, toutes les circulations de personnes y seront abordées avec des grilles de lecture décloisonnée. Rappelons que le fait colonial est étroitement lié aux mobilités : les populations arabes, africaines et asiatiques connaissent d’importants mouvements migratoires, soit directement ou indirectement à cause de la colonisation, soit dans le désir d’instruction ou dans les flux pèlerins vers le Proche-Orient. Plusieurs catégories de circulations feront l’objet d’une attention particulière : les exilés politiques, acteurs essentiels des révolutions et contre-révolutions du XIXe siècle, les étudiants en mobilité internationale et savants en voyage, qui contribuent à la circulation des savoirs, les pèlerins chrétiens et musulmans qui décloisonnent les espaces religieux offriront autant d’entrées dans l’histoire des mobilités au XIXe siècle.

Au croisement du sous-axe 2 et du sous-axe 3, Antonin Durand organisera en 2023, avec Delphine Diaz et Romy Sanchez, le colloque Vivre la séparation par l’exil (Europe, XIXe siècle) qui sera co-financé par le CRHXIX.

En 2023 également, dans le cadre du sous-axe 3, l’atelier Circulations, mobilités et transformations des sociétés au temps du développementalisme sera organisé en juillet 2023 par Antoinette Ferrand et Laure Pesquet dans le cadre du Congrès du GIS Moyen-Orient et mondes musulmans. Dans le même esprit, Antoinette Ferrand codirige avec Paul Mayens « Welfare State et développement : circulations globales et politiques locales (années 1950-1970) », publication prévue dans la revue Monde(s) en juin 2024. Il s’agit des résultats de la journée d’étude organisée en juin 2022, et financée par le CRHXIX, sur la même thématique ; Laure Pesquet y présente également un article.